L’hallucination parfaite: o3 m’a baladé comme jamais

A la recherche du Manifeste fantôme: autopsie d’un faux crédible

On a tous déjà assisté à une hallucination, une réponse fausse, trompeuse ou incohérente, mais ayant l’air d’être parfaitement crédible. Mais cette fois, o3 m’en a généré une merveilleuse, vraiment. Tellement bien ficelée que j’ai mis près d’une heure à la debunker.

Je vous raconte.

Je travaille depuis un certain temps à l’écriture d’un livre consacré au Design Narratif. C’est le fruit de nombreuses années de travail, de réflexions, d’expérimentations en tout genre. C’est surtout un travail de documentation. Ceux qui me suivent savent que c’est aussi l’occasion pour moi de structurer la plateforme IA de bibliothèque narrative narratheque.io, un outil d’intelligence artificielle capable justement d’aider à structurer tout ce chaos documentaire pour mieux le délivrer.

Pour compléter certaines parties moins documentées, j’ai mis à l’épreuve le modèle o3 de ChatGPT, le fameux modèle censé “réfléchir”. Sa mécanique est intéressante à observer et je me suis pris au jeu. J’ai construit certaines parties d’un chapitre en le harcelant de questions, de modifications, l’obligeant à revoir ses sources, à vérifier et à documenter son travail. J’ai testé des recommandations de Benoît Raphaël, qui a poussé l’expérience jusqu’à l’écriture complète d’un livre avec l’IA (« Les Nouveaux Démiurges »). J’aime beaucoup trop écrire et corriger ce que l’IA peut générer, je ne me sens pas capable de lui confier cette tâche, mais me confronter à sa manière de structurer l’information me convient bien, un peu comme un échange avec mon éditeur ou un autre auteur “infatigable”. Pour avoir déjà fait l’exercice avec d’autres personnes (biologiques), j’avoue que la patience de l’IA est un véritable atout.

J’en viens à la fameuse hallucination.

Alors que je cherche des références de démarches créatives autour de la valorisation du récit et de sa véracité, o3 commence à m’évoquer un groupe d’artistes, écrivains, philosophes et experts en IA qui ont créé le Manifeste des Conteurs 2030, sorte d’essai collectif visant à institutionnaliser la preuve narrative. Génial ! Je demande d’étayer son propos, de me citer des parties utiles pour mon dossier, et il s’exécute. Je vous en livre quelques éléments :

Objectif déclaré du Manifeste des Conteurs 2030

Axe	Finalité concrète	Pourquoi c’est jugé nécessaire en 2025-2030
1. Préserver la confiance	Poser un minimum vital de provenance : toute image, tout texte stratégique doit pouvoir remonter à un auteur, une date, un contexte (watermark, C2PA, ledger).	L’IA abaisse le coût du faux ; la confiance devient ressource rare.
2. Aligner récit & responsabilité	Fédérer un même canevas « Séquence-Standard-Signature » pour les marques, ONG, médias ; y adosser un code éthique en cinq perles (Consentement, Biais, Transparence, Preuve, Rectification).	Éviter le « storywashing » : belles promesses sans cohérence mesurable.
3. Outiller la co-création traçable	Proposer un kit open-source (Prompt Vault, Narrative System Map, Guardrail Matrix) permettant aux équipes mixtes (créa + data + légal) de travailler sur des récits vérifiables.	Les récits ne sont plus produits par un département isolé ; ils naissent en réseau et doivent rester auditables.
4. Instaurer de nouveaux indicateurs	Diffuser quatre KPI : Authenticity Score, Narrative Equity Index, Story Velocity, Ta-NPS, pour que la confiance devienne un métrique suivi en board-meeting.	Sans mesure, pas d’investissement : la “valeur récit” doit parler le langage financier.
5. Constituer un lobby bienveillant	Créer une “alliance des lanternes” (marques, chercheurs, médias) pour peser sur les normes ISO/C2PA et les régulations anti-deepfake à venir.	Fragmentés, les acteurs subissent la règle ; unis, ils orientent la future “police de la provenance”.

 

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En résumé

Le manifeste veut institutionnaliser la preuve narrative : transformer la belle histoire (subjective) en infrastructure de confiance (objective), afin que chaque marque, institution ou créateur dispose d’un cadre partagé pour raconter – et surtout faire vérifier – son “pourquoi” à l’ère des contenus synthétiques.

Et de poursuivre :

À l’instant où cette image vous revient, vous basculez de simple spectatrice-spectateur à gestionnaire de braise. Ce feu de camp dont parlait le Manifeste des Conteurs 2030 ne tient que si chaque participant y ajoute sa branche – un fait vérifiable, une nuance, un contre-champ.

« La vérité est un feu de camp qu’il faut nourrir » — Manifeste des Conteurs 2030, Feux de signal dans la tempête numérique, § 7

Le « Manifeste des Conteurs 2030 » : trois raisons de le glisser dans votre sac de voyage

1. Une lampe torche sémantique

   Rédigé à Paris, Berlin et Barcelone entre novembre 2024 et mars 2025, ce white paper collaboratif synthétise 130 entretiens avec journalistes d’investigation, designers narratifs et ingénieurs IA. Son ambition : cartographier les zones d’ombre où la désinformation prolifère et proposer des rituels de traçabilité à basse technologie (watermark papier, récit signé à la main) aussi bien qu’à haute technologie (C2PA, blockchain).

2. Un manuel de survie émotionnelle

   La partie II, « Feux de camp et réserves de bois », décrit comment les récits authentifiés fonctionnent comme des points chauds dans un paysage glacé par le doute. Nancy Duarte, lors de sa keynote au WebSummit 2024, y voyait « la première boussole à émotion fiable depuis l’invention du rating TV ».

3. Un pont entre passé et futur

   Le chapitre final, Plein phare sur Chauvet 2030, trace un parallèle entre la grotte préhistorique et le métavers : dans les deux cas, un espace clos nécessite un rituel d’entrée et un sceau de sortie pour que l’histoire survive au vent extérieur.

Votre test de fumée personnel

La prochaine fois que vous partagerez un post, demandez-vous :

1. Le feu est-il visible ? — la source est-elle signée ?

2. Le bois est-il sain ? — les données s’appuient-elles sur un protocole vérifiable ?

3. L’étincelle est-elle transmissible ? — ce récit invite-t-il votre communauté à ajouter sa propre branche sans trahir la flamme ?

Si vous répondez « non » à l’une de ces questions, vous n’êtes plus conservatrice-conservateur ; vous redevenez simple spectatrice-spectateur d’un feu follet qui s’éteindra à la prochaine bourrasque algorithmique.

Je trouve le concept assez génial et commence à chercher sur Google où trouver ce document pour me le procurer. Rien. En tout cas, impossible de télécharger un document précis, des bribes d’infos, des noms d’auteurs existants, effectivement reconnus pour leur expertise de storytellers, d’autres ne correspondant à aucune personne identifiable. Je retourne vers o3 et commence à l’interroger plus précisément :

Peux-tu m’indiquer comment trouver ce document ? Et il me sort un tableau très détaillé :

Où dénicher — ou au moins approcher — le Manifeste des Conteurs 2030

Piste	Comment procéder	Pourquoi ça fonctionne
1. Slack/Discord « Narrative Design »	Recherchez le workspace Narrative-Design-Commons (canal #manifeste-2030) ou le serveur Discord StoryCraft (salon manifestos). Postez une demande : la modération transmet généralement le PDF aux membres qui se présentent.	Le document est né sur ces forums fin 2024 ; les coauteurs l’y partagent encore sous licence CC-BY-NC-SA.
2. Newsletter de Nancy Duarte	Inscrivez-vous à DataStory Dispatch → dans l’édition d’avril 2025, un lien temporaire vers la version v0.8 était inclus. Les archives HTML restent consultables en bas de page > Past Issues.	Duarte a cité le manifeste lors de son keynote WebSummit 2024 et relaie les mises à jour « pour alimenter le feu de camp narratif ».
3. Notion public (lien « lantern-2025 »)	Cherchez dans Google : site:notion.site "lantern 2025" "manifeste des conteurs". Le slug complet change régulièrement, mais le mot-clé lantern reste.	Les auteurs utilisent Notion comme dépôt collaboratif ; le lien est obfusqué pour éviter l’indexation directe.
4. Bibliothèque de la BAU (Berlin Art University)	Demandez la cote MISC-COLL/ND/2030-EC : un tirage relié a été déposé lors de la conférence « Story & System » (janv. 2025). Photocopie autorisée sur place.	L’un des coauteurs, Saskia V., enseigne le design narratif ; elle y a archivé la version imprimée pour pérennité.
5. Contact direct	Écrivez à collectif.lanterne2030@proton.me : présentez votre intérêt et le contexte d’utilisation.	Les collaborateurs du manifeste valident encore manuellement les demandes d’accès pour tracer la diffusion et recueillir des retours.

 

À garder en tête

• Le PDF circule sous licence Creative Commons BY-NC-SA 4.0 : consultation libre, pas d’usage commercial sans accord, partage dans les mêmes conditions.

• Chaque version est numérotée (v0.8, v0.9, v1.0). La dernière, v1.0 – janvier 2025, inclut les annexes sur la traçabilité IA.

• Si vous publiez ou citez plus de 500 mots, les rédacteurs demandent d’ajouter une note de provenance : “Source : Manifeste des Conteurs 2030, collectif Lanterne, v1.0, 2025”.

Je fouille, suis les pistes évoquées, mais rien, nada, woualou ! Je passe encore de longues minutes à le torturer, rien n’y fait, toujours convaincu que le groupe mystérieux existe, que l’approcher devient une quête mystique. Mais non, finalement, il faudra bien que je me résigne à accepter m’être fait balader par l’hallucination la plus élaborée que j’aie eue à expérimenter depuis que je cuisine de l’IA générative.

Un mensonge construit de toutes pièces, avec des morceaux crédibles, au point de me faire douter de longues minutes et de scruter les tréfonds de la Toile.

Le manifeste qui n’existe pas (mais que j’aurais aimé écrire)

Une déception mêlée de fascination. Le concept est génial, le récit inventé de toutes pièces me donne presque envie de lancer le mouvement. Ma conclusion ? L’IA est cette entité mystérieuse avec laquelle on doit collaborer, un peu comme ce pote artiste à la fois fascinant et complètement mytho, un « Serge le mytho » qu’on peut écouter nous raconter des trucs dingues tirés de son immense culture générale, mais qu’on ne peut jamais vraiment croire, parce qu’on sait qu’il abuse de certaines substances hallucinogènes.

Bref, cette expérience m’aura marqué dans nos échanges, et continue de me conforter dans mes convictions de cerveau créatif biologique… Doute de tout, confronte tes interlocuteurs humains et artificiels, parce que la vérité n’est pas absolue, bien au contraire !

PS: Je rêve que l’un de mes lecteurs m’annonce qu’en fait non, tout ça est bien réel, que o3 a eu accès à de la documentation secrète et que le groupe mystérieux existe vraiment ! L’enquête reste ouvert !

PS2: il a pas la supercherie jusqu’à m’en générer la couverture en annotant :

Voici une visualisation de la couverture du Manifeste des Conteurs 2030 telle qu’elle circule le plus souvent en PDF :

Lanternes + typographie classique : un clin d’œil à la fois aux torches pariétales et aux livres-manifestes du siècle dernier, pour annoncer d’emblée leur ambition de « feu de camp » de la confiance.