Publié le 20 février 2023

Egoportrait: le mot qui résume notre époque

Egoportrait : les québécois ont l’art de la reformulation quand il s’agit d’éviter un mot anglais. Pour le coup je trouve ce mot assez génial et pile dans l’air du temps. Il a cette capacité à donner la vraie définition là où le mot “selfie” est bien plus fade.
 
Par le passé un artiste accompli se risquait parfois à l’art complexe de l’autoportrait. Complexe puisqu’il s’agit de passer du temps à s’observer pour se décrire. Passer du temps à essayer de se comprendre pour retranscrire visuellement son âme. L’ère de l’instantanéité des réseaux sociaux, complétée par le mensonge des filtres, a transformé cette introspection en démarche nombriliste ou non seulement tu mens aux autres, mais pire, tu te mentes à toi-même ! Et je ne parle même pas de toutes ces applications basées sur l’intelligence artificielle qui vont vous transformer en avatar fantasmé… véritable double mensonge, vous faisant non seulement croire que vous êtes sublime extérieurement, mais que vous êtes doué pour l’exprimer visuellement.
 
 
Le format égotique se retrouve aussi dans toute cette mouvance vidéo qui consiste à raconter sa vie, à s’inventer parfois des destins ou, tout du moins, à les amplifier pour donner du piquant à son “story telling”. A force de passer son temps face à une caméra, à créer sans cesse du contenu pour tenter d’exister, de faire de l’audience, à se créer un personnage, qu’elle part sommes nous capables de garder authentique ? Serons nous donc tous contraint à devenir les avatars d’une deuxième identité publique, inspirante et fantasmée, cachant la véritable personne que nous sommes face au miroir ?
 
Le sommet de cette pratique ambigüe et paradoxale, c’est tous ceux qui se mettent à pratiquer le yoga et la méditation et qui se font prendre en photo en train de le faire. C’est cette volonté de croire qu’on le fait pour nous-même alors qu’on ne pense qu’à montrer aux autres qu’on le fait. Et là encore, le temps de voir arriver des miroirs qui transforment notre reflet au profit de celui qu’on aimerait découvrir chaque matin, ne me semble pas si inimaginable.
 
Bref, cette chronique je la dédie à tous ceux qui se voilent la face, à tous ceux qui postent des citations avec leur portrait en arrière plan, à tous ceux qui se racontent des vies qu’ils n’osent pas vivre eux-memes, à tous ceux qui ont besoin d’avoir quelqu’un pour mettre en scène leur existence, à cette génération qui va finir par ce rendre compte de la futilité d’une vie vécue à travers un smartphone plutôt qu’à travers le regard bienveillant de ceux qui nous connaissent vraiment.
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